4.         Question: L'assainissement et la Favela

« L'histoire des hommes se reflète dans l'histoire des cloaques... L'égout est la conscience de la ville » (Hugo, 1892). Cette citation de Victor Hugo brossant le portrait du Paris du milieu du XIX siècle, je ne l'ai pas découverte en relisant mes classiques, mais en feuilletant le nouveau rapport mondial sur le développement humain consacré à la crise de l'eau et de l'assainissement publié par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

Ces quelques 250 pages, ont comme objectif d'alerter la communauté internationale sur une crise qui semble bien difficile à percevoir du haut de nos trônes respectifs mais qui représente l'un des facteurs principaux de la précarité des être humains.

En effet si le modèle de WaterCloset en vigueur dans les pays développés constituait la référence, le nombre de personnes privées d’assainissement serait environ de 4 milliards d'individu (PNUD, RMDH, 2006). Lorsque l'on n' a pas de chasse d'eau à portée de main, c'est le plus souvent dans un sac, un seau, un champ ou au bord de la rue que l'on se voit forcé de se soulager. Et c'est là que se trouve le coeur du problème, une fois que ces excréments chargés d'éléments pathogènes pululent dans l'environnement, c'est la santé de l'ensemble de la population qui est mise en danger. Eileen Stillwaggen, une spécialiste en santé publique estime, dans son livre Stunted Lives, Stagnant Economies, que cette pratique liée à l'absence de gestion des égout et des ordures tuerait dans le monde entier chaque jour 30 milles personnes et représenterait 75% des problèmes de santé qui affligent l'humanité. Des diarrhées, entérites, coliques ou autres fièvres typhoïdes, les maladies liées à l'eau contaminée sont nombreuses. Selon le rapport du PNUD, 30% de la mortalité enfantine des pays du Sud serait causée par cette absence de gestion sanitaire. Un véritable « coprocide ». Et comme 1,4 milliard d'individus qui ne possédant pas de toilette vivent avec moins de 2 dollars par jour, le défi est de taille.

S'il me semble capital de traiter cette question dans ce projet de Master, c'est que lors de ma rencontre avec la problématique des favelas, l'assainissement m'est apparu comme étant un sujet clef dans une recherche d'amélioration des conditions d'habitations de ces populations. Il est impossible ne rester indifférent lorsque l'on rencontre des gens qui vivent littéralement les pieds dans la merde et que l'on a conscience des conséquences dramatiques de telles situations. Bien que cette question est normalement considérée comme un domaine réservé aux l'ingénieurs, j'ai eu besoin de comprendre comment on en était arrivé là et quelles étaient les perspectives de changement. Le fruit de cette recherche a donné lieu à un travail intitulé « L'assainissement écologique, une réponse intégrée aux problèmes sanitaires des pays du Sud ». Ce document qui constitue le coeur de ce chapitre, met en lumière l'incohérence qu'il y a à considérer cette question d'un point de vue uniquement technique. Le fait très pragmatique qu'il n'est tout simplement pas possible que 6 milliards d'individus défèquent quotidiennement dans 15 litres d'eau « potable », nous montre toutes les limites d'une telle vision. L'assainissement n'est donc pas un « simple » problème d'ingénierie mais une question complexe qui nécessite une vision holistique.

Comme nous l'avons vu, c'est dans les pays du Sud que le problème est le plus préoccupant, et la communauté de Chico Mendes ne fait pas exception. Il en va donc de ma responsabilité en tant que futur architecte, dans sa fonction de bâtisseur de maison, de repenser la production d'espaces construits répondant à ce besoin primordial.

« L'assainissement écologique, une réponse intégrée aux problèmes sanitaires des pays du Sud » présente une vision critique de la situation globale actuelle, dessine les perspectives d'un changement et présente des stratégies d'actions qui vont guider mon travail sur le terrain.

« L'assainissement écologique, une réponse intégrée aux problèmes sanitaires des pays du Sud »