Présentation du Projet de Master

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30.10.06

Présentation du projet de Master 2006-07 de Julien Ineichen :

COPROPOLIS

Recherche-Action

au sein de la communauté Chico Mendes

Recife, Brésil

Après avoir effectué mes quatre années de formation théorique et mon année de stage, me voici prêt à conclure mes études d'architecture par la réalisation d'un travail de Master.

Ce travail personnel va me donner l'opportunité de me pencher sur une question qui me tient à coeur et qui m'a poursuivi tout au long de mon cursus sans jamais avoir pu être traité de front:

L'architecte occidental a-t-il un rôle à jouer dans le développement d'une communauté défavorisée d'un pays du Sud ?

Pour traiter cette question je me propose d'étudier un cas concret, celui de la communauté défavorisée « Chico Mendes »[1] dans laquelle j'ai eu l'occasion de travailler lors de mes cinq mois de stage à Recife, au Brésil. J'ai participé au sein de l'ONG « Habitat para a Humanidade » au projet pilote « Negócio em Casa »[2] qui y développe le micro crédit dans le but d'améliorer les conditions d'habitation et le développement de petites entreprises.

Lors de mon expérience au sein de cette communauté, il m'est apparu que la question de l'eau et de l'assainissement est un besoin urgent et central pour le développement d'une qualité de vie décente et digne. Au-delà de l'aspect purement technique de cette thématique, traitée souvent comme un « simple » problème d'ingénierie, il me semble essentiel de réfléchir à la production d'espaces construits répondant à ce besoin primordial, lié tout autant au champ social, économique qu'environnemental. Pour mener à bien ce travail, je compte porter une attention toute particulière aux processus participatifs. En effet, ce rapport au projet, intrinsèque au système de micros crédits soutenu par « Habitat para a Humanidade », me semble pertinent pour plusieurs raisons: il permet de cerner au mieux la demande des habitants, il offre l'opportunité d'identifier l'ensemble des ressources accessibles et donne l'occasion d'un apprentissage mutuel. Ces trois points me semblent cruciaux dans l'élaboration de technologies appropriées pouvant engendrer des solutions durables.

Concernant mon intention de cerner au mieux les besoins des habitants, je tiens à relever que dans la littérature spécialisée[3] il est souligné que la demande pour les projets d'assainissement est rarement exprimée par les populations concernées. On parle alors de demande latente ou cachée. Elle n'est pas formulée pour des raisons diverses. Voici quelques pistes : les pratiques sanitaires sont des habitudes profondément ancrées et souvent liées à des dimensions culturelles et religieuses; l'investissement requis n'est soit pas à portée des intéressés soit paraît trop élevé par rapport aux bénéfices retirés; les gens peuvent trouver difficile de faire le lien entre la manière dont ils gèrent leurs excrétas et les maladies avec lesquelles ils ont vécu durant des générations.

Afin d'initier la recherche sur le terrain et de trouver une parade à cette constatation, je vais développer, en collaboration avec l'équipe de « Negócio em Casa », un premier atelier sur la thématique de l'eau et de ses usages. Cet atelier doit prendre place dans l'offre de formations techniques et sociales qui accompagnent le déroulement du projet de micros-crédits. Les connaissances et les savoirs-faire appropriés, acquis au cours de ces formations, doivent permettre aux membres de la communauté de se rassembler autour d'un projet regroupant au minimum 5 familles. Ce groupe forme alors une banque de confiance, « Banco de confiança », et peut avoir accès au micro-crédit leur permettant de réaliser leur projet dans le but d'améliorer leur condition de vie.

L'atelier que je vais mener, va être l'occasion d'expérimenter le processus participatif dans deux buts: réunir les informations nécessaires à l'élaboration d'un état des lieux de la question; informer et sensibiliser les participants à la thématique. Cette démarche a comme objectif de stimuler la demande d'assainissement afin d'initier des projets au sein des groupes de « Banco de confiança ».

Une fois que des groupes seront constitués, je continuerai cette approche en proposant d'autres ateliers afin d'évaluer leurs priorités, d’identifier les options envisageables et de choisir celles qui conviendront le mieux aux exigences de leur réalité sociale, économique et environnementale. L'élaboration des étapes et leur déroulement va se baser sur les recherches menées par le département "eau et assainissement" des pays en développement (Sandec) de l'Institut Fédéral Suisse des Sciences et Technologies de l'Eau (EAWAG).

Dans une récente publication[[4], Sandec développe une approche d'assainissement environnemental urbain centrée sur les ménages, qui propose un processus en 10 étapes [5].

Il m'est encore difficile de définir précisément le temps nécessaire au déroulement de chacune de ces étapes. Je prévois cependant de formuler dans mon énoncé théorique du 15 décembre 2006, un état des lieux de la question pour la communauté de Chico Mendes, une palette d'options envisageables pour la réalisation d'un projet, ainsi qu'une synthèse de la démarche participative menée jusque-là.

Pour la seconde partie de mon travail, qui va se dérouler du 16 décembre 2006 au 5 avril 2007, je me fixe deux objectifs : Le premier est de faire l'évaluation des options et de retenir celle qui sera la plus pertinente pour les intéressés. Le deuxième est de pousser l'étude de cette option à un stade suffisamment avancé pour permettre sa mise en oeuvre.

Voici en quelques mots les lignes directrices que je compte donner à mon travail de Master. Compte tenu du contexte choisi et du temps imparti, je suis conscient que les objectifs visés sont élevés. Cependant, même si la mise en oeuvre du projet et son suivi ne pourront pas être développés dans ce travail, il me semble essentiel de le structurer sur la base d'un cycle de projet réel afin d'assurer une cohérence à ma démarche. Si les conditions requises sont réunies, j'imagine fortement pouvoir donner suite aux recherches entreprises.

[3] Paul Deverill, Simon Bibby, Alison Wedgwood et Ian Smont, Designing water supply and sanitation projetcs to meet demand in rural and peri-urban communities, WEDC, Loughborouh University, 2002. pp. 73-77

[4] Assainissement environnemental centré sur les ménages (HCES), Mise en pratique des

Principes de Bellagio , EAWAG, Swiss Federal Institute of Aquatic Science and Technology, juin 2005.

Annexe 1 La communauté « Chico Mendes »:

La communauté Chico Mendes est située au sud de Recife dans la région politico-administrative numéro 5. Dans cette région, on recense 71 zones de pauvreté où vivent de manière inhumaine plus 110 000 personnes. Les conditions sont très précaires notamment en raison de l'absence de système d'assainissement. Cette région est la plus pauvre de la ville avec un revenu moyen mensuel inférieur à deux revenus minimums, équivalant à 266 francs suisses (revenu minimum brésilien 198 CHF).

La communauté Chico Mendes regroupe 1'600 familles soit environ 5'500 personnes sur une superficie de 21 hectares, ce qui donne une densité de 262 habitants par hectare.

Ancienne carrière, puis décharge publique, le terrain de la communauté a commencé à être occupé dès 1930. Après 50 ans d'occupation illégale, ce terrain s'est transformé en Zone Spéciale d'Intérêt Social (ZEIS) suite à la Loi d'Usage et d'Occupation des Sols de 1983.

Aujourd'hui la communauté a accès à l'eau et à l'électricité, les rues principales sont asphaltées et les ordures sont ramassées par le service de la ville. On y trouve plusieurs écoles et crèches ainsi qu'un centre de santé.

Annexe 2 « Negócio em Casa »:

Le projet pilote « Negócio em Casa – Programa Intergrado de Financiamento Microcrédito Produtivo e Habítacional » veut promouvoir le développement économique, social et environnemental de 190 familles de la communauté de Chico Mendes. Il vise à définir les objectifs, les lignes directrices et les processus opérationnels d'une nouvelle approche de développement. Il propose un système de collaboration entre les différents acteurs partenaires:

● La communauté Chico Mendes

● L'ONG Serviço Justiça e Paz qui soutient la communauté depuis de nombreuses années

● L'Université Catholique de Pernambouco à travers son programme Núcleo de Apoio aos Movimentos Populares – NUAMPO-

● L'Université Fédérale de Pernambouco avec son projet « connexions des savoirs »

● L'ONG Habitat para a Humanidade

● Citigroup Brasil

● La Caixa Econômica Federal

Il s'agit de développer un projet intégrant des initiatives qui promeuvent simultanément: l'augmentation de la capacités à générer un revenu et l'amélioration des conditions d'habitation des familles participantes. Cette objectif doit être atteint à l'aide de deux lignes de micros-crédits: l'une Productive et l'autre Domestique. Par cette démarche, le projet prétend assurer un développement durable.

Les dimensions techniques et sociales seront fortifiées à l'aide d'un plan de formations. Cette partie essentielle du projet vise à sensibiliser, former et promouvoir les connaissances financières et la gestion des activités productives, ainsi qu'à l'auto-construction des habitations et à la gestion solidaire du micro-crédit.