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III.Ecosan, une démarche d'assainissement écologique:
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III.Ecosan, une démarche d'assainissement écologique:

1.EcoSan pour Ecological Sanitation


Constatant l'ampleur des problèmes d'assainissement, de nombreuses personnes ont commencé à s'intéresser à la question. Erst Friedrich Schumacher est l'un deux. Vers la fin des années 60, il a lancé le concept de « Technologies Appropriées » qui visait comme son nom l'indique, à trouver des solutions adaptées aux nécessitées locales. Par la suite un grand nombre de projets d'assainissement alternatifs ont été menés sur le terrain par des ONG. Aujourd'hui plusieurs agences de coopération internationales, soutenues par des centres nationaux de recherche sont actives dans le domaine. En Suisse par exemple, le département eau et assainissement en pays en développement (Sandec) de l'institut fédéral suisse des sciences et technologies de l'eau EAWAG est un centre mondialement reconnu pour la question. L'agence suédoise de coopération internationale au développement (ASDI) et l'agence allemande pour la coopération technique (GTZ) mènent aussi de nombreuses recherches et de nombreux projets dans le domaine. Leurs publications sont les principales sources d'information de ce mémoire. Après bientôt 40 ans de recherches, le problème est loin d'être résolu mais un concept semble émerger de l'ensemble des acteurs: l'EcoSan, pour Ecological Sanitation.


 

 

 

2.Le Concept


 

Illustration 3: Séparation des substances et exemple de leur utilisation
possible selon le modèle EcoSan (GTZ)


Pour répondre à cette crise sanitaire, le concept EcoSan propose un assainissement écologique qui veut rompre avec la démarche classique du « tout à l'égout ». Au lieu de répondre au problème en tentant de trouver une solution linéaire (trouver une solution unique à un problème récurant mais complexe), cette nouvelle approche veut reposer la question sanitaire dans son ensemble. Elle propose de repositionner la gestion sanitaire au centre de son écosystème. Ce qui implique une réintégration au cycle naturel des flux de matériaux. Les excrétas ne sont plus considérés comme des déchets mais comme des ressources. Il s'agit de les traiter afin de pouvoir les utiliser dans la fertilisation des sols. Ce qui va permettre de réduire l'utilisation des engrais chimiques et améliorer le rendement agricole. On parle aussi de « fermer la boucle (closing the loop) » pour exprimer ce processus cyclique.


 

Afin d'optimiser ce processus, il s'agit de traiter le problème à sa source pour réduire les besoins en énergie et éviter qu'il se diffuse et engendre des problèmes bien plus difficiles à résoudre. L'EcoSan prône donc une gestion décentralisée à contre courant d'un système du tout à l'égout qui fonction sur un modèle centralisé. Par exemple, en séparant dès le départ, les fèces de l’urine, on évite la contamination inutile d’un plus grand volume et on réduit ainsi la matière dangereuse qu’il faudra traiter par la suite.


 

Pour pouvoir répondre au problème sanitaire dans sa globalité, cette démarche d'assainissement veut répondent aux exigences suivantes:

 


  • Détruire les pathogènes dans les matières fécales afin de prévenir toute contamination à l'homme.

  • Rendre accessible le système aux plus pauvres de la société en proposant des solutions simples et robustes qui puissent être mises en place même si les ressources techniques, organisationnelles et financière sont réduites

  • Respecter les valeurs sociales et culturelles des utilisateurs

  • Protéger les écosystèmes en réduisant la pollution et en retournant les nutriments vers le sol.


 

Le concept central de l'écologie sanitaire se base sur l'assainissement des éléments pathogènes et le recyclage des éléments nutritifs. Cependant, il n'y a pas de solution générique applicable de manière semblable partout. Chaque solution doit correspondre aux conditions naturelles, sociales et urbaines du lieu:


  • Les variables naturelles, comme le type de climat (humidité température), les capacités des ressources hydriques, et le type de sol (stable, perméable,...), vont jouer un rôle décisif dans la solution à mettre en place.


  • Les réalités sociales et culturelles des futurs utilisateurs sont un point crucial pour l'acceptation d'un système sanitaire. Les coutumes et les croyances liées à la gestion sanitaire sont très variées. Le sujet peut être tabou ou au contraire faire l'objet d'un intérêt particulier. Certaines cultures ont déjà l'habitude d'utiliser leurs excréments comme fertilisants tandis que d'autres considèrent cela comme dangereux.


  • La structure urbaine en tant qu'expression construite des réalités sociales des citoyens doit être l'objet d'une attention particulière. Il n'est pas question de faire une « tabula rasa » sur le construit existant pour implanter une nouvelle gestion sanitaire. Au contraire, l'échelle, la densité et la mixité de chaque ville offrent des configurations particulières à l'intégration de systèmes d'assainissement écologiques spécifiques.


 

 

 

3.Les différents types de matières rejetées par l’homme :


Pour comprendre comment les matières rejetées par l'homme peuvent être réintégrées aux cycles naturels, il est nécessaire de pouvoir les identifier et de saisir leurs spécificités :


 

 

Illustration 2: Illustration de Christophe Élain dans « Un petit coin pour soulager la planète » d'après document de la GTZ

 


 

  • L'urine, « l'eau jaune »

La plupart du temps, l'urine ne contient pas de pathogènes, elle est donc hygiéniquement correcte et peut être gérée sans danger. La plupart des éléments nutritifs nécessaires aux plantes, contenus dans les excrétas humains, se trouvent dans les urines. La production annuelle pour un adulte est environ de 400 litres, ce qui correspond à 4,0 kg d'azote, 0.4 kg de phosphore et 0,9 kg de potasse. Les nutriments présents dans l'urine se présentent, sous la forme idéale pour être utilisés par les plantes : l'azote sous la forme d'urée, le phosphore en superphosphate, et le potasse sous forme d'ion. On trouve ces nutriments en quantité plus appropriée dans les urines que dans les engrais chimiques utilisés en agriculture. Pour exemple la Suède, qui est un pays à la pointe de la recherche sur ce sujet, a mené des études démontrant que la production d'urine du pays correspondrait à 15% de la consommation annuelle des engrais minéraux.


Afin de garder les valeurs nutritives des urines et d’éviter les odeurs désagréables, il est nécessaire de les garder dans des réservoirs couverts lors du stockage. Les urines humaines peuvent soit être utilisées comme engrais par le producteur soit être collectées et utilisées par des fermiers. Lorsque les urines sont répandues à même le sol, elles n'ont pas besoin d'être diluées, par contre il est nécessaire de les diluer (avec un rapport de 2 à 5) si elles sont utilisées sur des plantes.


  • Les selles, « l'eau brune »

Les selles contiennent des pathogènes comme des bactéries, des virus, des nématodes et des oeufs de verre qui peuvent entraîner des maladies. Leur manipulation constitue donc un danger. Les selles sont constituées principalement de matière organique non digérée, notamment des fibres contenant du carbone. La production annuelle de selle d'une personne est d'environ 50kg, contenant 0.55 kg d'azote, 0.18 kg de phosphore et 0.37 kg de potasse. Bien que les selles contiennent moins de nutriments que les urines, elles ont tout de même une valeur pour l'amélioration du sol. Après la destruction des germes pathogènes, la matière inoffensive qui en résulte peut être répandue sur le sol pour en augmenter le contenu de matière organique, améliorer la capacité de la nappe phréatique et augmenter la disponibilité en nutriments.


  • L'eau grise

L'eau grise est constituée de l'eau de la douche et des lavabos. Elle n’est normalement pas sujette à des problèmes hygiéniques. Avec une production de 25 à 100 m3 par an et par habitant suivant la localité, l'eau grise représente le plus grand volume des eaux sanitaires. Elle contient de nombreuses substances qui peuvent être filtrées par des processus simples. On peut ensuite directement l'utiliser dans la maison ou la destiner à l'irrigation.


  • L'eau de pluie

L'eau de pluie n'est pas une matière rejetée par l'homme, cependant elle fait partie intégrante du processus général. Une fois filtrée elle peut être utilisée comme source d'eau pour tous les usages. Son volume est particulièrement lié aux conditions climatiques.


  • Les déchets organique

L'ensemble des déchets domestiques de nature organique, peuvent être considérés comme des ressources. Une fois récoltés, ils nécessitent un traitement comme le compostage pour être transformés en humus. Là encore la quantité produite par un famille est liée à leurs réalités sociales.

L'interaction de chacun de ces éléments peut se présenter sous de multiples formes mais le processus doit répondre avant tout à l'assainissement des pathogènes et au recyclage des éléments nutritifs.


 

4.Le développement des pathogènes


Les excrétas humains contiennent des germes, des oeufs et d'autre organismes vivants. Lorsque ces derniers provoquent des maladies, ils sont appelés pathogènes. La majorité de ces pathogènes résident dans les selles, mais il se peut, dans de rare cas, qu'on en trouve aussi dans les urines.

Les principales maladies causées par ces pathogènes sont la typhoïde et la fièvre paratyphoïde.

Par ailleurs les selles contiennent aussi une multitude de pathogènes et de parasites pouvant engendrer des problèmes de santé comme des diarrhées et la malnutrition. Ces maladies ne sont pas toujours mortelles, mais elles participent à l'affaiblissement de l'état de santé des individus.

Dans les selles fraîches, on trouve 4 principaux groupes d'organismes dangereux:

  • les bactéries

  • les virus

  • les protozoaires

  • les oeufs d'helminthes

Les bactéries et les virus sont immédiatement infectieux une fois excrétés, tandis que les protozoaires et les oeufs d'helminthes ont souvent besoin d'un laps de temps hors du corps humain pour se développer et devenir dangereux.

 

Le problème prend d'autant plus d'ampleur lorsque la gestion sanitaire n'est pas maîtrisée et que les pathogènes peuvent se propager dans l'environnement et le contaminer. Ainsi dans des conditions d'hygiène précaires, même si l'individu n'a pas de contact direct avec les selles, il peut être contaminé par d'autres voies : les mains, l'eau, le sol, etc... De plus, si un individu est contaminé par ces pathogènes, il devient porteur de ce dernier et participera à sa propagation par ses propres selles.

L'approche traditionnelle pour briser ce cercle vicieux est d'évacuer les selles à grande eau ou de les stocker dans une fosse. Ces méthodes d'évacuation nous conduisent à penser que la contamination environnementale peut ainsi être empêchée. Cependant, il s'agit là d'une fausse croyance car avec le temps et pour cause de mauvaise maintenance, le contenu d'une fosse peut fuir dans les eaux souterraines ou être entraîné par de grosses pluies. Et le système d'égout, comme nous l'avons vu, permet bien d'évacuer le problème de la maison mais comme 90% des eaux noires sont déversées dans la nature sans traitement, le problème n'est que repoussé. Il ressurgit de manière plus grande par la contamination des écosystèmes.

Pour interrompre le cercle vicieux de l'infection et de la ré-infection, nous devons agir à la source du problème et ne pas attendre qu'il prenne de l'ampleur par sa dissémination dans la nature. Comme il est difficile d'assurer le stockage des excréments de manière sûre et à long terme, il est nécessaire d'agir directement sur les selles afin de permettre la destruction des pathogènes rapidement.


5.L'assainissement des pathogènes : les paramètres influents sur leur destruction.


Un très grand nombre de pathogènes et d'oeufs de parasites sont excrétés dans les selles. Une fois que ces organismes se trouvent à l'extérieur du corps, ils commencent à mourir peu à peu suite aux différentes agressions des conditions de l'environnement. Ce processus peut durer de nombreux mois comme pour les oeufs d'Ascaris. Cependant chaque type de pathogènes a un taux de disparition distinct qui fluctue selon différents paramètres. Les paramètres les plus importants pour l'accélération de la disparition des germes pathogènes sont : la température, l'humidité, les éléments nutritifs, les autres organismes présents, le rayonnement solaire et le PH. Il est donc possible d'influer sur leur taux de disparition en augmentant la température, en diminuant l'humidité et les matières organiques disponibles et en augmentant le rayonnement solaire et le PH.

Par exemple, une température de 60°C provoque la destruction presque instantanée de la plupart des germes pathogènes excrétés dans les selles. Vu qu'il est difficile d'atteindre de telles températures de façon homogène pour l'ensemble des selles avec des technologies simples, il est recommandé de faire jouer simultanément plusieurs paramètres. Par exemple l’application simultanée de la diminution de l'humidité et l'augmentation de la température est très performante pour tuer les pathogènes.


Le système traditionnel d'évacuation par l'eau des excréments paraît à la lecture de ces informations particulièrement peu efficace pour la destruction des germes. Il leur offre plutôt un environnement idéal pour se développer. En effet, les eaux noires représentent un milieu similaire aux intestins dans la mesure où il est riche en matières organiques et en nutriments, de plus il est humide et à l'abri de l'oxydation de l'air. Ceci explique le danger de son utilisation sans traitement préalable dans l'agriculture ou de son déversement dans la nature.

Par contre un processus de déshydratation semble être la méthode la plus simple et la plus efficace pour la destruction des pathogènes.


De manière générale, pour optimiser l'assainissement des matières dangereuses, il est nécessaire de prendre un certain nombre de mesure:


 

  • Limiter le volume de matière contaminée en utilisant le moins possible d'eau et en séparant les urines des selles.

  • Stocker de manière sûre les matières contenant des germes pathogènes afin de bloquer sa dispersion.

  • Réduire le volume et le poids de la matière pathogène par la déshydratation et/ou la décomposition pour faciliter le stockage, le transport et le traitement ultérieur.

  • Traiter les pathogènes de manière adéquate afin de les rendre inoffensive.


 

6. Le recyclage des produits de l'assainissement:

L'utilisation des excréments humains pour la fertilisation des sols a une histoire ancestrale. Les chinois ont pratiqué le compostage des excrétas humains et animaux depuis des milliers d'années.

L'idée que les excrétas sont des déchets sans utilité est un malentendu moderne.

Ce malentendu est responsable en grande partie des problèmes de pollution auxquels nous avons à faire face aujourd'hui.


La démarche suivie par l'assainissement écologique permet de considérer les excrétas humains comme une ressource. L'urine et les selles ne sont plus des matériaux à évacuer, mais deviennent, grâce au traitement adéquat, des ressource sous la forme d'engrais et d'humus.

L'assainissement écologique permet ainsi de réintégrer nos pratiques aux cycles naturels. L'urine et les selles assainies fertilisent les sols afin d'améliorer le rendement des terres. L'utilisation d'engrais chimiques peut être réduit et les écosystèmes ne sont plus pollués.

Comme cette ressource est disponible partout, elle peut être utilisée aussi bien à la campagne par les fermiers qu'en ville par les pauvres qui dépendent de l'agriculture urbaine.

 

 

 



 


 


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