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3.3 Les stratégies de l'architecte, la Recherche-Acti
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3.3    Les stratégies de l'architecte "Facilitateur":
         la Recherche-Action et le Processus Participatif



Comme nous avons pu le voir le chemin parcouru par les urbanistes a été riche d'enseignements: élargissement des champs d'investigation; transdisciplinarité; requalification du rôle de l'urbaniste, etc... Pour ce projet de Master, je me propose de m'inspirer de ce processus afin de trouver une démarche cohérente dans mon action auprès de la communauté Chico Mendes. En effet, le concept de « facilitateur », « communicateur » me semble détenir des atouts importants permettant à l'architecte de répondre aux besoins d'amélioration des conditions d'habitation de cette communauté.


Pour cerner plus exactement le rôle que j'entends donner à ce « facilitateur », « communicateur », je vais présenter maintenant deux éléments qui vont guider ma démarche:  la recherche-action et le processus participatif.



La recherche-action est une approche qui a été initiée pendant la seconde guerre mondiale, par un psychologue allemand exilé aux USA, Kurt Lewin. Son objectif était de surmonter la séparation entre une logique de connaissance et une logique de l'action ces deux logiques ayant toujours été considérées comme antagonistes. Son travail visait avant tout à modifier des attitudes et des comportements dans un certain nombre de secteurs de l'activité sociale. Les autorités américaines de l'époque par exemple, lui demandèrent de réaliser une recherche-action qui avait comme but de modifier les habitudes alimentaires des Américaines en temps de guerre.


Après sa mort en 1947, sa démarche intéressa de nombreux chercheurs liés à l'école de Chicago et qui traitaient de sujets comme l'intégration des noirs, la solidarité de groupe ou encore l'influence des lois sur le changement social.



Dans les années 70, une tendance plus radicale de la recherche-action a initié une réflexion épistémologique. Ces chercheurs remettent en question la vision positiviste des sciences sociales qui d'après eux conviennent pour comparer, caractériser, et dresser un profil mais ne permettent pas de comprendre le phénomène étudié tel qu'il est vraiment vécu et perçu par les sujets ou tel qu'il se déroule dans les situations étudiées (Poisson, 1990, dans Rullanti, 2005). Ils ressentent le nécessité de créer des liens entre la recherche et l'action, la théorie et la pratique, le savoir et le faire ou encore entre le chercheur et les acteurs (Lavoie, 1996, dans Rullanti, 2006).



Guiseppe Rullanti, dans son ouvrage, « La recherche-action au service de l'auto-développement », cerne 3 dimensions qui définissent les finalité et les fonctions de ce type de recherche: la recherche, l'action et la formation.







  1. La dimension de la recherche:


Trois fonctions caractérisent cette dimension:


  • La fonction d'investigation


Cette fonction définit la manière dont on examine le réel. Dans un processus de recherche classique, le chercheur énonce une problématique concrète à l'aide d'une description. L'ensemble des variables décrites vont ensuite être mises en rapport pour donner une explication de ce qui se passe sur le terrain. Dans un processus de Recherche-Action, la loi ou la théorie générale à laquelle l'explication se réfère n'est pas considérée comme valide, le chercheur à l'aide d'un processus de compréhension, préfère comprendre la situation particulière de son étude. Il s'attachera ainsi à considérer le vécu, les valeurs ou encore les intentions de l'objet de la recherche. Finalement le processus de contrôle qui clôt la recherche ne vérifie pas ses hypothèses à l'aide d'expérimentations mais directement sur le réel.


  • La fonction critique sur le plan épistémologique


Comme nous avons pu le voir plus haut, la recherche-action vient critiquer les postulats et les conceptions épistémologiques de la science positiviste. Elle met en crise les processus classiques de l'investigation et tente de trouver de nouvelles méthodologies de recherche pour répondre à la problématique du lien entre recherche et action et entre chercheurs et acteurs.


  • La fonction de communication


Dans un processus de recherche-action la communication est un élément crucial. Dans la procédure de recherche, il s'agit de discuter, confronter et clarifier les résultats tandis que dans l'action il faut décider, comprendre une situation, se sensibiliser à différentes hypothèses de changement, etc.. Cependant ces savoir-faire sont sensiblement différents selon l'investigation envisagée. On distingue deux approches, l'enquête feed-back et l'évaluation formative. Dans la première, le chercheur est le seul capteur d'information, seules ses conclusions son discutées et communiquées aux personnes concernées. C'est l'exemple de la recherche-action de Kurt Lewin sur les habitudes alimentaires des Américaines. Mais c'est la seconde approche qui correspond le plus aux exigences de ma démarche. En effet, l'évaluation formative amène les acteurs de la recherche (en l'occurrence les habitantes de Chico Mendes) à communiquer au chercheur des informations sur leur valeurs, leurs problèmes, leur milieu, leurs réactions face au processus et aux résultats de la recherche, etc... Cette démarche met l'accent sur la participation et l'implication des acteurs et intègre une dimension formatrice très importante à mes yeux.

La recherche-action est donc l'opportunité, pour de nombreux acteurs, d'acquérir des outils de communication nécessaires à tout changement. Par exemple, à travers sa participation, chaque acteurs va être amené à négocier autant avec le chercheur qu'avec les autres protagonistes. Cette dimension de négociation est considérée par André Morin « ..comme une condition essentielle à la recherche-action; elle doit se faire avant, pendant et après la mise en place du processus; elle donne lieu à un contrat ouvert entre chercheurs et acteurs, ceux-ci devenant à leur tour auteurs par la recherche-action. » Morin, 1984, cité dans Rullanti, 2006).

Ainsi dans l'idéal démocratique de la recherche-action, ce partage du savoir illustre bien le partage du pouvoir qui est visé. Mais cette démarche permet avant tout une diffusion active des avancées de la recherche et rend les acteurs capables de prendre part aux décisions. La fonction de communication est en définitive une sorte d'« huile de coude » permettant d'articuler la recherche et l'action dans un mouvement dynamique.


 

  1. La dimension de l'action


Le recherche-action vise à développer une stratégie opérationnelle afin d'amener à un changement social. Elle peut viser une transformation radicale des structures et des fonctions sociales ou favoriser une processus de transformation tout en s'adaptant à ces structures. La première forme se nomme la recherche-action transformatrice, elle assume une fonction critique sur le politique et le socio-culturel. Elle vise à une transformation radicale de la vie sociale à travers des projets critiques revendicateurs ou marginaux. On peut citer comme exemple le travail mené par Paulo Freire avec son projet d'alphabétisation lié à une conscientisation des pauvres brésiliens. La seconde forme, la recherche-action adaptatrice, vise aussi le changement mais sans remettre en question le cadre institutionnel et politique, elle tente d'améliorer les processus existants.



  1. la dimension de la formation


Étant donné que le recherche-action s'appuie sur les acteurs de la recherche pour produire le changement social désiré, ces derniers doivent être formés pour pouvoir l'entreprendre. « Dans cette conception, le changement social passe par le changement des personnes » (Goyette, Lessard-Hébert, 1987, cité dans Rullanti, 2006).

Ainsi, la formation, associée à une finalité de changement social, permet aux acteurs d'apprendre à apprendre par la recherche et de résoudre ainsi les problématiques qui les concernent: « Les réponses nouvelles doivent être inventées dans le systèmes et non pas être importées de l'extérieur, comme dans le modèle innovation-diffusion, lequel s'appuie sur des relations de dépendances au pouvoir. » (Thirion, 1980, cité dans Rullanti, 2006). Le chercheur en recherche-action a donc un rôle de formateur auprès des acteurs impliqués dans la recherche-action. Ou plus exactement, il les emmènent dans un processus où ils vont apprendre en faisant et où le processus d'apprentissage-formation sera réciproque.

 


Comme nous venons de le voir, le processus participatif et intimement lié à la démarche. A tel point que le sociologue William Foote Whyte, spécialiste de l'ethnologie urbaine, a initié un mouvement qui s'appelle RAP. pour Recherche Action Participative. Dans une postface à une réédition de son livre sur la RAP. Il note : « avec certains de mes collègues, je suis de plus en plus convaincu que, pour combler la distance entre chercheurs professionnels et les membres du groupe étudié, une des solutions majeures est la recherche-action-participative (RAP). La RAP est une méthodologie dans laquelle les chercheurs invitent certains membres du groupe à participer avec eux à toutes les phases du processus de recherche, de son élaboration initiale à l'application pratique de ses résultats, en passant par la collecte et l'analyse des données » (W.F. Whyte, 1996,) La recherche-action-participative a, selon lui, deux grands avantages: « Dans les relations de terrain, elle nous permet d'aller au-delà de la réciprocité interpersonnelle en liant les informateurs principaux et les chercheurs professionnels. Quant les membres de la communauté ou de l'organisation étudiée s'intéressent aux retombées escomptées de la recherche en terme d'action, ils sont moins soucieux d'obtenir personnellement quelque chose de leur relation avec le chercheur. Cette pratique contribue également à libérer le chercheur de l'incertitude et de l'angoisse de savoir s'il a fait personnellement assez pour ses informateurs en échange de leurs services ». « la RAP nous permet aussi de répondre à l'une des préoccupations de l'épistémologie critique: elle laisse ouverte la possibilité qu'au moins une partie du groupe étudié puisse faire entendre sa voix aux côtés de celle des observateurs extérieurs. Ce qui peut à la fois enrichir le processus de collecte et d'analyse des données et accroître le degré d'acceptation du rapport de recherche dans la communauté ou l'organisation étudiée »(W.F. Whyte, 1996, cité dans JC Bolay et Y Pedrazzini, 1997 ).


Cette ensemble de stratégie d'action est pour moi le cadre théorique qui doit guider l'architecte « facilitateur » dans son rapport avec les habitants des favelas. Cette démarche qui mise avant tout sur un processus orignal du projet d'architecture, prend le parti pris que la forme sera le résultat d'une action sociale. Ce retrait de l'architecte en temps que « créateur » de l'environnement construit ne signifie pas un désengagement de sa part vis à vis de la forme urbaine, mais affirme la conviction que pour donner sens au lieu, c'est une participation de l'ensemble des acteurs urbains qui est nécessaire. C'est de cette pratique collective, aiguillée par l'architecte « facilitateur », que peut germer au sein de ces magmas urbains les formes d'une ville humanisée. Produire ainsi un espace construit ou l'urbanisation de ne sera plus l'image de la dictature d'une minorité mais le lieu d'un espace de liberté partagée.

 

 

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